François Joseph NAVEZ (Charleroi 1787 – Bruxelles 1869)

Scène de brigands avec la diseuse de bonne aventure

Sur sa toile d’origine
104 x 128 cm
Signé, localisé et daté au milieu à gauche F. I. NAVEZ / ROME. 1821
Dans son cadre d’origine en bois et stuc doré

Prix de vente

420 000 €

Date et lieu de vente

17 novembre 2023 - Paris, Hôtel Drouot

Fiche descriptive

Provenance :
Offert par l’artiste à Auguste – Donat De Hemptinne ;
Collection de sa fille Louise, baronne Casier en 1854 ;
Collection de son fils, le baron Victor Casier en 1901 ;
Collection de sa fille Agnès van Pottelsberghe de la Potterie en 1928 ;
Collection de sa fille Marie-Thérèse de… puis de son fils en 1957 ;
Vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot (Me Coutau-Begarie), 30 octobre 2002, n°57, reproduit ;
Acquis à cette vente par l’actuel propriétaire.

Exposition :
Bruxelles, mars 1822, au profit de l’établissement Sainte Gertrude.

Bibliographie :
“L’Oracle”, Bruxelles, 1822 ;
L. Alvin, François Joseph Navez, membre de l’Académie, Bruxelles, 1871, p.87 ;
L. Chesneau – Dupin, Jean – Victor Schnetz, Couleurs d’Italie (1787-1870), Cabourg, 2000, reproduit, p.55, fig. 4 ;
D. Coekelberghs, “Schnetz ? Géricault ? Navez tout simplement” in la Gazette des Beaux-Arts, février 2002, pp 273 – 286, reproduit en couleur p 274.
D. Coekelberghs, A. Jacobs, P. Loze, François Joseph Navez, la nostalgie de l’Italie, Charleroi, La Chaux – de – Fonds, Coutances, 1999 – 2000, reproduit en couleur, fig. 73 ;
Catalogue de l’exposition Autour de la vieille Italienne de Géricault, quatre peintres pour un modèle, Cogniet, Géricault, Navez, Schnetz, Flers, Musée du château, Le Havre, Musée Malraux, 2002, reproduit fig. 7.

François-Joseph Navez entre à l’Académie de Bruxelles en 1803 où il reçoit une formation néo-classique auprès de Pierre Joseph Célestin François (1759-1851).
Grâce à la Société pour l’encouragement des Beaux-Arts à Bruxelles qui lui octroie une bourse, Navez effectue un premier voyage à Paris et entre dans l’atelier de Jacques-Louis David, puis se rend à Rome entre 1817 et 1822. Le climat cosmopolite de la capitale italienne exerce sur lui une influence considérable et stimule son talent. Se sentant encore quelque peu français, il se mêle à la communauté d’artistes réunis autour de l’Académie de France.

La Scène de brigands fut réalisée à la fin de ses années d’études en Italie, période considérée comme l’apogée de sa carrière. Le 21 juillet 1821, Navez décrit notre tableau dans une lettre adressée à son protecteur, ami et futur beau-frère Auguste – Donnat De Hemptinne (1781-1854) : « j’ai terminé un tableau, qui j’en suis sûr, fera de l’effet dans votre exposition. C’est une diseuse de bonne aventure d’une expression et d’un ton extraordinaires ». Le tableau fera l’objet d’une exposition à Bruxelles en mars 1822, date à laquelle L’Oracle en donnera une description plus explicite : « Des femmes de brigands et un brigand de Sonnino se faisant dire la bonne aventure par une vieille femme de la Sabine ».

Certains personnages représentés sont des modèles très appréciés des artistes. La diseuse de bonne aventure, « d’un âge vénérable, à la peau tannée par le soleil, aux traits durs et rocailleux » (catalogue d’exposition du Havre cité supra ; notice d’A. Jacobs) est aussi représentée dans La vieille Italienne de Géricault (Le Havre, Musée André Malraux), La vieille Italienne de Léon Cogniet (Orléans, Musée des Beaux-Arts), L’enfance de Sixte Quint (Arras, Musée des Beaux-Arts) et La diseuse de bonne aventure de Victor Schnetz (Clermont -Ferrand, Musée d’art Roger Quillot).
Elle serait la mère de la jeune Maria Grazia Boni, en haut à droite, « la tête principale » du tableau écrit Navez. Maria est un des modèles romains les plus connus. Elle partage la vie de Victor Schnetz, ami de Navez qui fit un portrait d’elle acheté en 1822 par le Duc Louis Philippe d’Orléans (localisation inconnue). Elle lui sert aussi de modèle dans le Religieux secourant une pèlerine blessée (Valenciennes, Musée des Beaux-Arts). Joannina, celle à qui l’on dit la bonne aventure est « une femme de brigand ». Au milieu des trois modèles, se tient le mari de Maria Grazia Boni, le brigand Marco Antonio Nardelli qui était alors enfermé dans la prison du Château Saint Ange.
Ce sujet emprunté à Caravage est souvent traité par tous ces jeunes peintres venus à Rome parfaire leurs études, cependant ceux-ci s’inspirent de personnages contemporains. Des bandes armées abondent dans la province romaine. Elles sont souvent choisies par les peintres car elles représentent pour l’esprit romantique « l’homme libre face à une société figée ». En 1819, les brigands de Sonnino sont enfermés dans la prison du Château Saint Ange. C’est ainsi que des voyageurs tels que Stendhal les visitent et que les peintres peuvent à leur aise les prendre pour modèle.
Navez souhaite donner à la scène de genre une dimension au-delà de l’anecdote. Il cherche, à travers ce sujet populaire, à atteindre une sorte d’intemporalité, en suivant les préceptes de David. Ses figures à mi-corps dialoguent par le jeu des mains et des visages. C’est grâce à cette justesse de sentiments qui transcende le caractère profane du sujet qu’il parvient à nous faire oublier la frontière des genres.

Les amis de François-Joseph Navez éprouvent une profonde admiration pour ce tableau. Dans une lettre du peintre à De Hemptinne datant du 21 juillet 1821, il écrit : « Tout le monde me fait compliments, surtout pour son originalité. Ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est l’opinion de Schnetz, qui vient de revenir de Rome. Il a été très satisfait. Celui – là est pour moi un ami sincère qui est incapable d’aucune flatterie. M.Thévenin (son ami et le directeur de l’Ecole Française de Rome) l’a beaucoup loué, ainsi que Canova, car il a envoyé plusieurs dames et messieurs pour le voir, ainsi que le reste de mon atelier ». En remerciement de la grande exposition que cet ami lui organise à Bruxelles, le peintre lui offre la Scène de brigands qui sera rebaptisée par la famille La diseuse de bonne aventure. Cette œuvre a été gravée par Demannez en 1859.
François-Joseph Navez sera nostalgique de ses années romaines, si bien qu’il écrira à De Hemptinne en 1821 : « […] on s’imagine qu’en perdant la vue de Rome on va tout perdre […] ».
Le thème de la diseuse de bonne aventure sera repris par l’artiste dans un dessin de 1827 (collection particulière) et une peinture de 1849 (commerce d’art, Paris, en 2000).